Le sel ajouté par le consommateur lui-même à l’eau de cuisson ou aux plats représente 1 à 2 g par jour, soit seulement 10 à 20 % des apports quotidiens. Près de 80% des ces apports sont ainsi liés aux aliments manufacturés. Les produits les plus contributeurs au regard des apports en sel sont : le pain et les biscottes, la charcuterie, les fromages, les plats cuisinés, les soupes et potages, les quiches et pizzas, les sandwiches, les condiments et sauces, ainsi que les pâtisseries.

Effets du sel sur la santé: le sel est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. Les minéraux qu’il contient permettent la transmission des signaux nerveux, la contraction musculaire et le fonctionnement des reins en assurant une bonne hydratation. La communauté scientifique considère qu’une consommation de 4g de sel par jour est suffisante pour combler les besoins d’un adulte et que les apports journaliers ne doivent pas être inférieurs à 1 à 2 g/jour.

Selon des études scientifiques, une surconsommation de sel (plus de 12g/jour) pourrait être néfaste, l’excès de sel favorisant l’augmentation de la pression artérielle et le développement de maladies cardiovasculaires. Les personnes souffrant d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque ou de diabète, sont particulièrement sensibles aux effets négatifs du sel. Une consommation excessive serait également un facteur de risque d’ostéoporose, une maladie provoquant la fragilisation des os et pouvant favoriser l’apparition de fractures.

Rappel des recommandations de l’Afssa (2002): considérant ces différents éléments, l’Afssa a recommandé, en 2002, une baisse de la consommation de sel de 20% sur 5 ans, afin d’atteindre une moyenne de 6 à 8 g/jour.

Cette réduction passe par :

• Une campagne de sensibilisation de la population sur cette question 
• Une meilleure information des consommateurs sur la teneur en sel des aliments via un étiquetage des produits alimentaires 
• Des actions à destination des industriels afin de réduire la quantité de sel contenue dans les aliments manufacturés

L’Afssa rappelle, également, que la prévention de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires repose non seulement sur la réduction des apports en sel mais, plus généralement, sur une alimentation variée et équilibrée ainsi que sur la pratique régulière d’une activité physique.

Pour de plus amples informations, consultez le Rapport sel (2002) et Sel, le point avec l’étude INCA 2

Source : Copyright © AFSSA, 2008

Publié le 25 février 2008

Revue Médicale Suisse
Revue Médicale Suisse No -641

Consommation de sel et hypertension, un sujet qui reste d’actualité !
Article de 
A. Chiolero M. Burnier


La consommation de sodium est associée avec le niveau de la pression artérielle. Toutefois, il n’y pas de démonstration irrécusable de cette association. Des études épidémiologiques ont montré que l’excrétion urinaire du sodium est corrélée avec la pression artérielle et suggèrent que l’augmentation de la pression avec l’âge dans les populations occidentales est due à la forte consommation de sel. Le sodium n’est pas le seul élément de la diète qui détermine la pression artérielle. Ainsi, les études DASH ont clairement démontré qu’une diète riche en fruits, en légumes, en produits laitiers et pauvre en graisse (particulièrement animale) permet de réduire la pression artérielle. La réponse de la pression artérielle au sel est hétérogène et l’on peut parler de sensibilité au sel. La sensibilité au sel est plus marquée chez les hypertendus, les personnes âgées, les obèses et les gens de race noire. Des mécanismes rénaux (hémodynamique et tubulaire) sont certainement en cause. Par ailleurs, la sensibilité au sel est peut-être un marqueur de risque rénal et cardiovasculaire.


Introduction

A la une du numéro de mars 2001 de Bon à Savoir, mensuel romand qui défend les droits des consommateurs, on pouvait lire : «Bien trop de sel dans nos assiettes. Les Suisses consomment en moyenne 10 grammes de sel par jour : c'est deux fois trop. La faute aux aliments industriels qui contiennent plusieurs fois la ration quotidienne [recommandée] (...)». Ainsi, le danger pour la santé d'une consommation importante de sel semble être irréfutable, par son effet sur la pression artérielle. Pourtant, c'est un sujet âprement débattu depuis plus de trente ans et qui constitue «one of the longest running, most vitriolic, and surreal dispute in all of medicine».1 D'un point de vue de santé publique, il est recommandé de diminuer la consommation de sel, principe qui est accepté par une majeure partie de la population et par de nombreux cliniciens. Pourtant il n'y a pas de consensus autour de la démonstration scientifique du bénéfice d'une telle mesure ! En effet, les données expérimentales, cliniques ou épidémiologique sont sujettes à controverses même si quelques grandes études récentes ont démontré qu'une réduction de l'apport sodé (seule ou en association avec une perte de poids) diminue l'incidence d'hypertension de 20% sur une période de trois à quatre ans et qu'une restriction sodée abaisse la pression chez la personne âgée et permet de réduire le nombre de médicaments anti-hypertenseurs.1-3 Nous n'allons pas ici reprendre le débat dans toute sa complexité mais rappeler quelques notions théoriques, épidémiologiques et cliniques sur les liens entre sel et pression artérielle et résumer quelques travaux récents qui permettent au médecin de premier recours de disposer de pistes pour la prévention ou le traitement de l'hypertension. Enfin, nous discuterons du concept de sensibilité au sel que nous considérons comme non seulement fécond pour cerner la physiopathologie de l'hypertension artérielle, mais aussi comme un argument supplémentaire pour pousser les patients à diminuer leur consommation de sel.

Sel et tension artérielle : 
la controverse

La relation entre la consommation de sel et la pression artérielle peut être modélisée par la courbe de pression-natriurèse décrite initialement par Guyton et coll.4 Physiologiquement, une augmentation de la consommation de sel s'accompagne d'une rétention d'eau. Un apport aigu de sel entraîne donc une augmentation transitoire du volume sanguin, ce qui conduira à une élévation transitoire de la pression artérielle. La variation de pression corrigera immédiatement le volume en favorisant l'excrétion sodée (mécanisme de la natriurèse de pression) ce qui ramènera la pression artérielle à sa valeur de départ. Comme indiqué dans la figure 1 (courbe a), la courbe de la relation pression-natriurèse normale a une très forte pente, ce qui montre que de faibles variations de la pression peuvent corriger de grands changements de l'apport sodé. En cas d'hypertension, on a toujours une altération de la relation pression-natriurèse avec un déplacement de la courbe vers la droite ou un changement de la pente de la relation, ce qui indique que ces patients doivent augmenter leur pression artérielle de manière importante pour maintenir leur balance sodée (fig. 1, courbes b et c). La régulation de la relation pression-natriurèse implique de très nombreux mécanismes physiologiques, qui sont non seulement liés à la consommation de sodium mais aussi à de nombreux autres facteurs, et notamment la consommation de potassium ou l'apport de calories. Kempner fut l'un des premiers, en 1940, à traiter des patients hypertendus par une diète pauvre en sel, basée sur un régime de riz et de pêches. Pendant longtemps, avant l'apparition des premiers diurétiques, ce fut le seul traitement non chirurgical de l'hypertension sévère et cela a probablement convaincu toute une génération de cliniciens qu'un régime pauvre en sel diminue la pression artérielle chez les hypertendus.1 Toutefois, le régime de Kempner était très pauvre en calories et en graisses, ainsi que riche en potassium, facteurs qui abaissent la pression artérielle.5

Les résultats des études épidémiologiques sont contradictoires. Ainsi, l'Intersalt Study6 a montré une corrélation positive entre l'excrétion urinaire du sodium sur 24 heures et la pression artérielle dans différentes populations, ainsi que l'importance de la quantité de sel consommée pour expliquer l'augmentation de la pression artérielle avec l'âge. Toutefois, ces résultats ont été obtenus au moyen de finesses statistiques très critiquées.1 D'autres études écologiques n'ont pas observé cette corrélation : la Scottish Heart Health Study7 a montré ­ par le bais d'analyse par régression multiple ­ que l'âge, la fréquence cardiaque, l'indice de masse corporelle, la consommation d'alcool et l'excrétion urinaire du potassium étaient significativement corrélés à la pression artérielle, mais pas l'excrétion urinaire du sodium ! Peu d'études ont évalué l'efficacité de mesures visant à diminuer sa consommation de sel au niveau de la population. Au Portugal, pays connu pour sa haute consommation de sel et sa haute incidence d'accidents cardiovasculaires, des recommandations pour diminuer la consommation de sel ont été données dans un village, de telle sorte que la consommation de sel a été réduite de près de 50%. Les pressions ont été comparées avec celles des habitants d'un village voisin qui n'avaient pas de telles recommandations. Les pressions et consommations de sel étaient comparables dans les deux villages au début de l'étude. Après un et deux ans de suivi, les pressions étaient diminuées respectivement de 3,6/5,0 mmHg et de 5,0/5,1 mmHg dans le premier village, alors que les habitants du second village voyaient leur pression diastolique rester stable et leur pression systolique légèrement s'élever.8

De nombreuses études cliniques ont évalué l'effet d'une diminution de la consommation de sel sur la pression artérielle. Sur la base de méta-analyses, on peut estimer que la diminution de la consommation de sel dans la population conduit à une faible baisse de la TA chez les normotendus et à une baisse un peu plus marquée chez les hypertendus (de - 3,7 à - 4,9 mmHg de baisse de la systolique et de - 0,9 à - 2,6 mmHg pour la diastolique).9-11

La seule manière de faire taire la polémique sur les liens entre sel, tension artérielle et risque cardiovasculaire serait de réaliser une étude prospective évaluant la morbidité et la mortalité chez des sujets qui maintiendraient à long terme une baisse de la consommation de sel. On peut toutefois raisonnablement considérer qu'à moyen terme une baisse de la consommation de sel se traduit par une baisse de la pression, qui peut être comparable à la baisse obtenue au moyen d'une monothérapie antihypertensive.3,12 Nous allons détailler deux études publiées dans le New England Journal of Medicine en 1997 et en 2001 qui sont intéressantes pour le praticien qui désire donner des conseils diététiques à ses patients hypertendus.

DASH : Dietary Approaches to Stop Hypertension

L'étude DASH a évalué l'effet de différentes diètes sur la pression artérielle chez des patients modérément hypertendus ainsi que chez les sujets dont la pression artérielle est normale mais à la limite supérieure.13 Les 459 participants (pression systolique inférieure à 160 mmHg et diastolique entre 80 et 95 mmHg) ont été randomisés en trois groupes : le premier a suivi une diète dite «contrôle» ­ pauvre en fruits, en légumes et produits laitiers et riches en graisses, ce qui correspond à un régime occidental typique ; le deuxième a suivi une diète riche en fruits et en légumes et le troisième a reçu une diète dite «combinée», c'est-à-dire riche en fruits, en légumes et en produits laitiers, mais pauvre en graisses, et plus particulièrement en graisses saturées (origine animale). Pour chaque groupe, l'apport en sodium était le même (près de 150 mmol par jour (environ 9 g/
jour de sel), ce qui correspond à la consommation moyenne dans les pays occidentaux). De même, l'apport en calories était identique dans chaque groupe et calculé pour assurer que le poids reste constant tout au long de l'étude. Après deux mois, de nettes baisses de la pression ont été observées, particulièrement chez les sujets qui ont suivi la diète «combinée» avec une diminution de la pression systolique de 5,5 mmHg et de 3,0 mmHg pour la diastolique (tableau 1). Ces baisses ont été obtenues dès la deuxième semaine de régime et maintenues pendant les six semaines suivantes. Chez les sujets hypertendus, la diminution de la pression artérielle a été spectaculaire et comparable à celle observée lors d'un traitement médicamenteux par monothérapie chez des patients modérément hypertendus.12 Cette étude démontre clairement la possibilité de baisser la pression au moyen de mesures diététiques. Toutefois, elle ne permet pas de dire quel(s) élément(s) en particulier est (sont) la cause de la baisse de pression : on peut exclure le rôle du sodium et relever que l'apport élevé en potassium y joue probablement un rôle. Depuis lors, la diète «combinée» ­ appelée «DASH» ­ est proposée dans les recommandations américaines de prise en charge de l'hypertension.14

Dernièrement, un deuxième volet de cette étude a été publié qui a évalué si l'on pouvait obtenir une baisse supplémentaire de la pression par une diminution de l'apport en sodium, tout en suivant la diète DASH.15 Plusieurs questions étaient soulevées dans cette étude, notamment est-ce que la baisse de pression obtenue par la diète DASH est supérieure à celle obtenue par le biais d'une réduction de la consommation de sel et quel est l'effet d'une combinaison de la diète DASH et d'une diminution de l'apport en sodium ? Quatre cent douze sujets ont été randomisés en deux groupes, diète «DASH» ou diète «Contrôle». Pendant trois périodes de trente jours, ils ont reçu un apport en sodium soit riche (150 mmol/j), soit intermédiaire (100 mmol/j, seuil supérieur des recommandations internationales), soit faible (50 mmol/j). Les baisses de pression obtenues au moyen de la diète DASH étaient supérieures à celles obtenues par un apport modéré de sodium (100 mmol/j), mais comparables à celles obtenues par une forte diminution de la consommation de sel (50 mmol/j). La baisse de pression était maximale pour les sujets qui avaient reçu la diète DASH et un régime pauvre en sel. Les baisses de pression dues à la diminution de l'apport en sel étaient plus marquées chez les sujets hypertendus.

Ces deux études démontrent donc le potentiel thérapeutique d'une diète pauvre en sodium et en graisses (surtout animales) mais riche en fruits, en légumes et en produits laitiers, particulièrement chez les sujets hypertendus. Par ailleurs, changer globalement sa diète semble avoir plus d'effets sur la pression artérielle que d'augmenter ou de diminuer un nutriment en particulier.5 Il y a d'importantes limites à la pertinence clinique des études DASH. Les repas étaient préparés et les sujets n'avaient pas à composer eux-mêmes leur repas en fonction de recommandations d'un médecin, comme cela se passerait pour un patient qui consulte. On s'imagine bien que se plier à un tel régime est difficile à long terme car cela implique pour le patient d'importants changements d'habitudes alimentaires. Les résultats de l'étude TOMHS16 ont d'ailleurs démontré la difficulté de maintenir les approches non pharmacologiques à long terme. Pour espérer une baisse de la consommation de sel au niveau de la population, on reste aussi dépendant du bon vouloir de l'industrie alimentaire pour diminuer la quantité de sel dans les aliments préparés qui sont la principale source de sel dans l'alimentation actuelle.

Le concept de sensibilité au sel

La réponse de la pression artérielle au sel est très hétérogène. Tout le monde n'augmente pas sa pression artérielle sous un régime riche en sel. Cela permet de parler de sensibilité et de résistance au sel.17-19 Initialement, la sensibilité au sel a été définie comme une augmentation de 10% au moins de la pression artérielle moyenne sous régime riche en sel comparé au régime pauvre en sel, les sujets étant exposés à des variations extrêmes de sodium (de 10 à 250 mmol par jour) pendant une semaine.14 D'autres définitions de la sensibilité au sel ont été proposées. Cette caractéristique étant normalement distribuée dans la population, toute définition de la sensibilité au sel est arbitraire. La prévalence de la sensibilité au sel est plus importante chez les hypertendus et les patients à rénine basse tels que les Afro-américains et les diabétiques.17 En outre, à partir de 60 ans, la plupart des gens deviennent sensibles au sel en raison d'une diminution de la fonction rénale.

Pourquoi est-on sensible ou résistant ou sel ?

La sensibilité au sel est un phénomène multifactoriel qui implique autant des mécanismes extrinsèques, essentiellement hormonaux, que des mécanismes intrinsèques rénaux (tubulaires et hémodynamiques), modulés par des facteurs génétiques. Plusieurs systèmes hormonaux et autocrines sont impliqués dans la pathophysiologie de la sensibilité au sel, notamment le système rénine-angiotensine-aldostérone (RAA), le système nerveux sympathique (SNS), l'insuline, la bradykinine, les peptides natriurétiques auriculaires, l'oxyde nitrique et l'endothéline.19 La réactivité du système RAA est diminuée de façon inappropriée chez des patients dont la pression est sensible au sel. Cette non-réponse du système RAA va de paire avec une diminution de la vasodilatation rénale normalement observée lors de régime riche en sel. Chez les sujets sensibles au sel, on a observé une hyperactivité du SNS et mesuré des valeurs élevées de catécholamines dans la circulation. Les sujets obèses sont fréquemment hypertendus et sensibles au sel, et c'est probablement la résistance à l'insuline et l'hyperinsulinémie compensatrice qui sont en cause.20

Hémodynamique rénale

Chez les sujets normotendus et les patients hypertendus résistants au sel, un régime riche en sel provoque une augmentation du débit de filtration glomérulaire et une vasodilatation rénale. Sous un même régime, les sujets et patients sensibles au sel ne modifient pas leur débit de filtration glomérulaire et diminuent le flux plasmatique rénal, ce qui se traduit par une augmentation de la FF et donc une augmentation de la pression intra-glomérulaire. Ceci peut être expliqué par une augmentation de la vasoconstriction post-glomérulaire, induite par une augmentation de l'activité du système rénine-angiotensine.18,19

Manipulation tubulaire rénale du sodium et sensibilité au sel

Ces dernières années, les mécanismes moléculaires en jeu dans des formes monogéniques rares d'hypertension sensible au sel ont été éclaircis, notamment dans le syndrome de Liddle où une augmentation de la réabsorption tubulaire du sodium dans la partie distale du néphron a été démontrée.21 Toutefois, bien que l'on ne puisse exclure que de fines altérations du transport sodé au niveau distal soient en cause, les mécanismes en jeu dans l'hypertension essentielle sont probablement différents et une augmentation de la réabsorption du sodium dans le tubule proximal est probablement impliquée.22

La réabsorption proximale du sodium peut être mesurée indirectement par la fraction d'excrétion du lithium (FELi), électrolyte qui se trouve en trace dans l'organisme. Si la FELi augmente, la fraction du sodium réabsorbée au niveau proximal diminue, et réciproquement. Plusieurs études expérimentales et cliniques ont montré qu'il existe une relation linéaire entre la FELi et la fraction excrétée du sodium (FENa) chez l'animal et l'homme. Chez les patients hypertendus, cette relation est aussi linéaire mais la pente de la relation est différente. En effet, la FELi n'augmente que très peu lorsque l'apport sodé est élevé, ce qui suggère que certains patients hypertendus n'adaptent pas correctement leur réabsorption proximale lors d'un régime riche en sel. Nous avons évalué chez des patients hypertendus et des sujets contrôles normotendus les changements de la pression artérielle, de l'hémodynamique rénale, et de la réabsorption tubulaire du Na, après une semaine d'un régime pauvre ou riche en sel.23

Chez les sujets contrôles, on note une augmentation de la filtration glomérulaire, du flux plasmatique rénal et de la FELi sans changement de la pression artérielle lorsque les sujets passent d'un régime pauvre à un régime riche en sel (fig. 2). Chez les hypertendus, on note une augmentation de la pression artérielle, mais pas de changement de l'hémodynamique rénale et de la FELi, indiquant que ces patients n'adaptent ni leur hémodynamique rénale ni leur réabsorption tubulaire proximale du Na lors de variations du régime sodé. Si l'on tient compte de la sensibilité au sel, on constate que les hypertendus les plus résistants au sel adaptent la réabsorption proximale du Na comme les sujets contrôles, en la diminuant lors de régime riche en sel. A l'opposé, les patients hypertendus les plus sensibles au sel montrent une variation inverse de leur réabsorption proximale de Na, puisqu'ils retiennent du sodium lors du régime riche en sel (fig. 2). Ces données tendent donc à confirmer la présence d'une anomalie de la régulation de l'excrétion sodée au niveau tubulaire dans l'hypertension sensible au sel.

La sensibilité au sel est un indicateur du risque rénal et cardiovasculaire

La sensibilité au sel a aussi un intérêt clinique par son association avec le risque de développer des complications cardiovasculaires ou rénales. La sensibilité au sel est associée avec une augmentation de la pression intraglomérulaire et donc un risque plus élevé de glomérulosclérose d'une part, et d'insuffisance rénale chronique d'autre part.18 Par ailleurs, la sensibilité au sel est associée avec plusieurs facteurs connus pour augmenter le risque rénal et cardiovasculaire : la microalbuminurie, les LDL et la Lp(a), la résistance à l'insuline, une absence de chute nocturne de la pression artérielle ou une augmentation de la masse ventriculaire gauche, entre autres.19 Enfin, on a pu démontrer que les patients sensibles au sel sont plus à risque d'avoir un événement cardiovasculaire et de mortalité précoce (fig. 3).24

Conclusion

Il est certain que le sodium joue un rôle dans la pathogenèse de l'hypertension artérielle. Nous avons vu qu'il est intéressant de conseiller aux patients hypertendus de modifier leur diète, par exemple de diminuer leur consommation de sel mais aussi (et surtout) de consommer plus de fruits, de légumes et de produits laitiers, en limitant leur consommation de graisses (particulièrement les graisses animales). Modifier globalement la diète semble plus efficace que simplement viser à changer la consommation d'un nutriment en particulier. Les risques rénaux et cardiovasculaires associés à la sensibilité au sel sont des arguments supplémentaires pour conseiller au patient hypertendu de diminuer sa consommation de sel : plus le patient sera sensible au sel, plus il bénéficiera d'une telle mesure. Enfin, des recommandations au niveau de la population de modifier globalement sa diète semblent être profitables en terme de prévention publique ; ainsi la baisse de pression observée chez les étudiants depuis les années 40 et 50 pourrait s'expliquer par la baisse de la consommation de sel et une diète plus riche en légumes et en fruits, particulièrement pendant l'enfance.25
 


Auteur(s) : A. Chiolero M. Burnier
Contact de(s) l'auteur(s) : Pr Michel Burnier et Dr Arnaud Chiolero Division d’hypertension et de médecin vasculaire CHUV Rue P. Decker 1011 Lausannemichel.burnier@chuv.hospvd.ch

Bibliographie : 1 Taubes G. The (political) science of salt. Science 1998 ; 281 : 898-907. 2 Effects of weight loss and sodium reduction intervention on blood pressure and hypertension incidence in overweight people with high-normal blood pressure. The Trials of Hypertension Prevention, phase II. The Trials of Hypertension Prevention Collaborative Research Group. Arch Intern Med 1997 ; 157 : 657-67. 3 Whelton PK, Appel LJ, Espeland MA, et al. Sodium reduction and weight loss in the treatment of hypertension in older persons : A randomized controlled trial of nonpharmacologic interventions in the elderly (TONE). TONE Collaborative Research Group. JAMA 1998 ; 279 : 839-46. 4 Guyton AC. Dominant role of the kidneys and accessory role of whole-body autoregulation in the pathogenesis of hypertension. Am J Hyp 1989 ; 2 : 575-85. 5 Hermansen K. Diet, blood pressure and hypertension. Br J Nutr 2000 ; 83 (Suppl. I) : S113-S9. 6 Elliott P, Stamler S, Nichols R, et al. for the Intersalt Cooperative Research Group. Intersalt revisited : Further analyses of 24 hour sodium excretion and blood pressure within and across populations. BMJ 1996 ; 312 : 1249-53. 7 Smith WC, Crombie IK, Tavendale RT, et al. Urinary electrolyte excretion, alcohol consumption, and blood pressure in the Scottish heart health study. BMJ 1988 ; 297 : 329-30. 8 Forte JG, Pereira Miguel JM, Pereira Miguel MJ, et al. Salt and blood pressure : A community trial. J Hum Hypertens 1989 ; 3 : 179-84. 9 Cutler JA, Follmann D, Elliott P, Suh I. An overview of randomized trials of sodium reduction and blood pressure. Hypertension 1991 ; 17 (Suppl. I) : I-27-I-33. 10 Midgley JP, Matthew AG, Greenwood CMT, Logan AG. Effect of reduced dietary sodium on blood pressure : A meta-analysis of randomized controlled trials. JAMA 1996 ; 275 : 1590-7. 11 Graudal NA, Galløe AM, Garred P. Effects of sodium restriction on blood pressure, renin, aldosterone, catecholamines, cholesterol, and triglyceride. A meta-analysis. JAMA 1998 ; 279 : 1383-91. 12 The treatment of Mild Hypertension Research Group. The treatment of mild hypertension study : a randomised, placebo-controlled trial of a nutritional-hygienic regimen along with various drug monotherapies. Arch Intern Med 1991 ; 151 : 1413-23. 13 Appel LJ, Moore TJ, Obarzanek E, et al. A clinical trial of the effects of dietary patterns on blood pressure. DASH Collaborative Research Group. N Engl J Med 1997 ; 336 : 1117-24. 14 The sixth report of the Joint National Committee on prevention, detection, and treatment of high blood pressure. Arch Intern Med 1997 ; 157 : 2413-46. 15 Sacks FM, Svetkey LP, Vollmer WM, et al. Effects on blood pressure of reduced dietary sodium and the Dietary Approaches to Stop Hypertension (DASH) diet. DASH-Sodium Collaborative Research Group. N Engl J Med 2001 ; 344 : 3-10. 16 Neaton JD, Grimm RH Jr, Prineas RJL, et al. Treatment of Mild Hypertension Study. Final results. Treatment of Mild Hypertension Study Research Group. JAMA 1993 ; 270 : 713-24. 17 Weinberger MH, Miller JZ, Luft FC, et al. Definitions and characteristics of sodium sensitivity and blood pressure resistance. Hypertension 1986 ; 8 (Suppl. II) : II-127-II-34. 18 Campese VM. Salt sensitivity in hypertension : Renal and cardiovascular implications. Hypertension 1994 ; 23 : 531-50. 19 Chiolero A, Burnier M. Renal determinants of the salt sensitivity of blood pressure. Nephrol Dial Transplant 2001 ; 16 : 452-8. 20 Hall JE. Hyperinsulinemia : A link between obesity and hypertension ? Kidney Int 1993 ; 43 : 1402-17. 21 Burnier M. Sodium balance and hypertension : Rare genetic disorders expose pathogenic mechanisms. Exp Nephrol 1998 ; 6 : 496-501. 22 Doris PA. Renal proximal tubule sodium transport and genetic mechanisms of essential hypertension. J Hypertens 2000 ; 18 : 509-19. 23 Chiolero A, Maillard M, Nussberger J, et al. Proximal sodium reabsorption : An independent determinant of the blood pressure response to salt. Hypertension 2000 ; 36 : 631-7. 24 Morimoto A, Uzu T, Fujii T, et al. Sodium sensitivity and cardiovascular events in patients with essential hypertension. Lancet 1997 ; 350 : 1734-7. 25 McCarron P, Okasha M, McEwen J, Smith G-D. Changes in blood pressure among students attending Glasgow University between 1948 and 1968 : Analyses of cross sectional surveys. BMJ 2001 ; 322 : 885-9. 

Mots-clef : I hypertension I sel I diététique I sensibilité au sel I reins 

Numéro de revue : -641
Numéro d'article :
21594

bottom