La prévalence de l’obésité dans le monde entier continue d’augmenter sans discontinuer et face à cette épidémie nous sommes actuellement peu efficaces dans la prise en charge de cette maladie chronique. Au contraire d’autres maladies chroniques, comme le diabète ou l’hypertension, pour l’obésité nous ne disposons pas d’une armada importante de médicaments ; les seuls actuellement disponibles sont l’Orlistat et la Sibutramine. La raison de cette situation repose sur la complexité de la pathogenèse de l’obésité. En effet, malgré les progrès importants faits au cours de ces dernières années, concernant notamment la découverte des neuro-hormones impliquées au niveau hypothalamique dans le contrôle de la prise alimentaire, et des hormones gastro-intestinales impliquées dans la régulation de l’absorption des nutriments, nous sommes encore loin d’avoir éclairci tous les mécanismes impliqués dans la prise pondérale. Une des pistes prometteuses est celle de la flore intestinale, qui pourrait expliquer le mystère populaire de l’inégalité à grossir ou maigrir. Manger gras et mal entraînerait une flore qui ferait grossir plus facilement, développer un syndrome inflammatoire et même un syndrome métabolique, une obésité, un diabète. Les vieux conseils, et universellement reconnus, de manger des fruits, légumes et légumineuses prennent encore plus de sens aujourd’hui. Non seulement l’apport en fibres, vitamines et oligoéléments est crucial pour notre santé mais il semblerait que cette alimentation modifierait notre flore intestinale et permettrait d’augmenter notre dépense énergétique ! Cela fait plus de 50 ans que l’on cherche où se cachent les calories. L’hypothèse du gène d’économie nous a permis de suspecter que nous n’étions pas égaux devant la calorie. En effet, des souris axéniques (sans flore) colonisées par une flore de type obèse augmentent leur masse grasse de 60% à nourriture égale ! Il est vrai que nos patients mangent mal et ne bougent pas assez. Mais s’ils savaient qu’en mangeant gras, ils favorisent une flore intestinale qui les fait grossir… Nos bactéries intestinales sont nombreuses (1018). En comparaison, notre corps possède moins de cellules (1017). Notre environnement obésogène s’est complété par un facteur supplémentaire qui, par ailleurs, se trouve dans notre corps. L’obésité est une maladie inflammatoire, on le sait depuis peu par la fonction endocrine des cellules adipeuses. Plutôt reléguées comme vulgaires cellules de stockage, elles sécrètent de nombreuses adipokines. Cette inflammation est particulièrement importante pour les cellules adipeuses viscérales et elle proviendrait ainsi de la flore intestinale se situant à proximité. L’étude de notre «boîte noire» intestinale pourrait nous donner de nouvelles voies thérapeutiques. Un changement d’habitudes alimentaires va entraîner une modification de la flore intestinale qui permettrait une perte de poids supplémentaire. La perte de poids elle-même, à son tour, induirait une modification de la flore intestinale. L’hypothèse de proposer des prébiotiques serait aussi une voie thérapeutique intéressante. Un cercle vertueux peut se profiler à l’horizon : une meilleure alimentation induit une nouvelle flore et entraîne une perte de poids et une diminution des facteurs de risque cardiovasculaire.
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Auteur(s) : A. Golay V. Giusti Contact de(s) l'auteur(s) : du professeur Alain Golay Médecin-chef Service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques Département de médecine communautaire HUG, Genève et du docteur Vittorio Giusti Médecin adjoint Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme CHUV, Lausanne
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